Portrait Historique du Chanoine Félix Kir
Par Didier Buffet
Découvrez l'histoire fascinante du Chanoine Félix Kir, maire emblématique de Dijon de 1945 à 1968, connu dans le monde entier pour son célèbre cocktail mais dont la vie complexe et contradictoire reste méconnue.
Un Personnage Emblématique de Dijon
Naissance et Décès
Né à Alise Sainte-Reine en 1876, mort à Dijon en 1968 à l'âge de 92 ans, comme pour faire un ultime pied de nez à une société française en plein changement.
Le Cocktail Mondialement Connu
Son nom est associé au célèbre cocktail composé d'Aligoté et de crème de Cassis, devenu une référence internationale.
Un Héritage Durable
Bien que peu connaissent sa véritable histoire, son influence sur Dijon reste considérable, notamment à travers le lac qui porte son nom.
Avant-Guerre: Un Homme du XIXe Siècle
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Formation Religieuse
Curé très pieux et attaché à la fusion de l'Église et de l'État, formé dans la tradition du XIXe siècle.
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Réaction à la Laïcisation
En 1905, il réagit fortement à la laïcisation de la France, commençant à s'intéresser à la politique en combattant la Franc-Maçonnerie et le socialisme.
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Positions Politiques
La crise économique exacerbe sa haine de la finance et de la modernité. Il déteste Léon Blum et vénère le Maréchal Pétain, qu'il considère comme l'incarnation d'une France forte, catholique et autoritaire.
Pendant l'Occupation: Un Parcours Ambigu
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Confrontation avec l'Occupant
Malgré son admiration pour Pétain, Kir brave les officiers allemands en leur niant toute légitimité à marcher sur Dijon, s'exprimant dans un allemand irréprochable qui impressionne l'occupant.
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L'Attentat de 1944
Le 26 janvier 1944, il est victime d'un attentat par deux Français à la solde des Allemands. Il reçoit deux balles, dont une arrêtée par son portefeuille. La Gestapo l'envoie alors au Lycée agricole de Malroy en Haute-Marne.
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Retour Symbolique
Il revient à pied de Malroy à Dijon (100 km) pour arriver la veille de la Libération. On le voit défilant avec les chars rue de la Liberté le 11 septembre 1944, ce qui lui vaut d'être perçu comme le libérateur de Dijon.
Une Légende Construite
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Image d'Épinal
Les Dijonnais ont de lui l'image d'un résistant de la première heure
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Réalité Historique
Les historiens ont démontré que Kir a bénéficié d'opportunités qui ont contribué à sa gloire
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Mémoire Sélective
Les Dijonnais oublient rapidement son pétainisme et son hostilité envers De Gaulle
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Fidélité Populaire
La population lui voue une fidélité sans borne après la Libération
L'histoire du Chanoine Kir illustre parfaitement comment se construit une légende politique. Certains faits historiques ont été amplifiés, d'autres minimisés, créant ainsi un personnage plus grand que nature qui correspondait aux besoins de l'après-guerre.
L'Histoire du Train de Munitions
L'Alerte à l'Église
Le 10 septembre 1944, pendant la grand-messe à l'église du Sacré Cœur, un officier allemand annonce qu'un train de munitions doit exploser, menaçant le quartier. Il invite des volontaires à l'éloigner.
Mobilisation Populaire
De nombreux habitants se rassemblent autour du train. À bras d'hommes, ils poussent les wagons un par un jusqu'à l'autre côté d'une petite butte, derrière les usines Petolat.
Explosion Contrôlée
À 18h, les Allemands font sauter le train. Les déflagrations font trembler les maisons, mais aucun dégât n'est constaté dans le quartier grâce à l'action des volontaires.
Cette histoire, souvent attribuée à tort au Chanoine Kir, illustre le courage des Dijonnais pendant la guerre. Elle a été racontée par Maurice Princet et Bernard Delapierre, témoins et acteurs de cet événement remarquable.
Kir Maire de Dijon
Élection Triomphale
Profitant de sa popularité et laissant croire qu'il était impliqué dans la libération de Dijon, il est élu maire en mai 1945 haut la main.
Générosité Légendaire
Il n'a jamais gardé ses émoluments pour lui seul, faisant des dons fréquents. L'argent n'était pas son affaire, il préférait la gloire.
Démagogie Assumée
Incapable de refuser un emploi à un chômeur, il a créé un nombre insensé de postes municipaux. Il savait entretenir sa popularité en interpellant les Dijonnais comme s'il les connaissait personnellement.
Protecteur du Commerce
Il a rejeté toute idée industrielle pour Dijon, préférant protéger le petit commerce local.
Le Rêve d'un Lac
Un Rêve de Jeunesse
Depuis le petit séminaire de Plombière où il était jeune prêtre, Félix Kir rêvait d'un lac à Dijon.
Opposition du Conseil
Personne n'en voulait au conseil municipal, mais Kir était déterminé à réaliser son projet.
Vote Mémorable
Lors d'un vote à main levée, seule la sienne se leva. Il conclut simplement : "Projet adopté."
C'est ainsi qu'en 1964, le Lac Kir est né, illustrant parfaitement l'humour, l'autorité et le culot de ce personnage hors du commun. Aujourd'hui, il est impossible d'imaginer Dijon sans son lac, devenu un élément essentiel du paysage urbain et un lieu de détente prisé des habitants.
Un Personnage Tout en Contradictions
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Générosité
Capable de donner tout ce qu'il possédait au premier pauvre qu'il rencontrait, il faisait preuve d'une grande générosité.
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Dureté
Connu pour ses colères et ses moqueries féroces envers ses adversaires, il pouvait se montrer redoutable.
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Rancune
Il n'a jamais pardonné à ses deux agresseurs, obtenant leur exécution en 1946 malgré les demandes de pardon.
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Authenticité
Malgré ses défauts, son authenticité et son excentricité ont fini par toucher tous les cœurs.
L'Affaire des Deux Agresseurs
L'attentat contre le Chanoine
Le 26 janvier 1944, Henri Perrot, 22 ans, et Louis Lointier, 45 ans, appartenant à la bande des tueurs du service de renseignements allemands (SRA), tentent d'assassiner Félix Kir. Il reçoit deux balles, dont une arrêtée par son portefeuille.
Le refus de pardon
Après la guerre, on réclame à Kir son pardon pour les deux hommes, mais il refuse catégoriquement en se justifiant par ces mots : « Je n'ai rien fait contre eux, je ne ferai rien pour ».
L'exécution
Les deux agresseurs sont finalement exécutés le 30 octobre 1946, illustrant la dureté et l'intransigeance du Chanoine face à ceux qui avaient osé attenter à sa vie.
Kir et De Gaulle: Une Inimitié Célèbre
Mépris Affiché
Malgré son opposition aux Allemands pendant l'Occupation, Kir n'a jamais caché son mépris pour le Général de Gaulle, qu'il surnommait ironiquement "Charles le Temporaire".
Cette animosité s'explique en partie par son attachement au Maréchal Pétain, qu'il considérait comme un grand homme, et par sa vision traditionaliste de la France.
Deux Visions de la France
Kir et De Gaulle incarnaient deux conceptions différentes de la France : l'une ancrée dans la tradition catholique et l'autorité, l'autre tournée vers la modernité et la reconstruction.
Cette opposition reflétait les divisions profondes de la société française de l'après-guerre, partagée entre le désir de renouveau et l'attachement aux valeurs traditionnelles.
La Mort du Chanoine
1968
Année du décès
Félix Kir est mort en avril 1968, quelques jours avant les célèbres émeutes de mai, n'ayant pas eu le temps de voir la défaite de son ennemi juré, le Général de Gaulle.
92
Âge à sa mort
Après une longue vie marquée par les bouleversements du XXe siècle, le Chanoine s'est éteint à l'âge avancé de 92 ans.
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Années à la mairie
De 1945 à 1968, il a dirigé Dijon pendant 23 ans, laissant une empreinte indélébile sur la ville et ses habitants.
Le jour de son enterrement, tout Dijon était présent : la droite, la gauche, les athées, les fidèles... Tous sont venus saluer ce personnage d'un autre temps qui avait fini par toucher tous les cœurs par son authenticité et son excentricité.
L'Héritage du Kir: Un Cocktail Mondialement Célèbre
Personne ne connaît vraiment son histoire complète, et pourtant tout le monde connaît son nom. Son cocktail a fait le tour du monde, souvent réinterprété. À l'image de son créateur, peu importe le flacon... pourvu qu'il y ait son nom. Le Kir traditionnel se compose d'Aligoté (vin blanc de Bourgogne) et de crème de cassis, reflétant parfaitement la personnalité de son inventeur : de l'acidité coupée par du sucré.
L'Influence Durable sur Dijon
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Héritage Symbolique
Un nom associé à Dijon dans le monde entier
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Héritage Politique
Une influence sur tous les maires suivants
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Héritage Urbain
Le lac Kir, élément essentiel du paysage dijonnais
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Héritage Culturel
Un cocktail emblématique de la gastronomie bourguignonne
Tous les maires qui ont succédé à Kir, de Poujade à Rebsamen, sont d'une certaine manière des héritiers de sa vision. Que serait Dijon Plage sans le Lac Kir ? Pourrions-nous imaginer Dijon sans son lac aujourd'hui ? La réponse est non. Son influence perdure bien au-delà de sa personne et de son époque.
Un Homme de l'Ancien Testament
Comme le dit si bien Jean-François Bazin, Félix Kir était "un homme de l'Ancien Testament". Il y avait du Jéhovah en lui, pour ne pas dire du Jupiter. Pourtant, c'était un grand admirateur du Christ. La guerre l'a profondément marqué, rendant difficile tout jugement rétrospectif. Pour le meilleur, il reste dans nos cœurs ; pour le pire, nous tâcherons d'oublier. Paix à sa mémoire.